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"ERP coquille vide" et autorisation pour l'aménagement intérieur de locaux recevant du public : attention à l'obligation de mention expresse dans l'arrêté de permis de construire.

TA Lyon, 6 juin 2024, req. n°2306674

Dans un jugement en date du 6 juin 2024, le tribunal administratif de Lyon prononce l’annulation d’un permis de construire portant sur la construction d’un immeuble collectif de logements et de locaux à destination de professions libérales en rez-de-chaussée en considérant que l’arrêté attaqué méconnaissait les dispositions précitées de l’article L. 425-3 du code de l’urbanisme.

Musée Guggenheim, New York, Novembre 2022

Contexte : un permis de construire dit "ERP coquille vide"

Dans le cadre d’un projet portant sur un immeuble collectif de logement et de locaux à destination de professions libérales en rez-de-chaussée (ERP de type W de 5e catégorie), la SCCV pétitionnaire a obtenu un permis de construire.

En pratique, il ressortait expressément du dossier de permis de construire, notamment de la notice architecture et de la notice d’accessibilité que l’aménagement intérieur des cellules destinées à des professions libérales n’était pas connu lors du dépôt de la demande de permis de construire.  

En droit, il ressort des dispositions de l’article L. 425-3 du code de l’urbanisme que lorsqu’un projet porte sur un établissement recevant du public (ERP), le permis de construire tient lieu de l’autorisation prévue par l’article L. 122-3 du code de la construction et de l’habitation. Le permis de construire mentionne alors les prescriptions imposées au pétitionnaire, relatives à l’exploitation des bâtiments.

En revanche, lorsqu’au stade du dépôt du dossier de demande de permis de construire, l’aménagement intérieur de l’ERP ou d’une partie de celui-ci n’est pas connu, le permis de construire doit indiquer expressément qu’une autorisation complémentaire au titre de l’article L. 122-3 du code de la construction et de l’habitation devra être demandée et obtenue, en ce qui concerne l’aménagement intérieur du bâtiment ou de la partie de bâtiment concernée, postérieurement à l’obtention du permis de construire mais avant l’ouverture au public de l’ERP concerné.

Une interprétation jurisprudentielle stricte de ces dispositions

Lorsque l’aménagement intérieur d’un ERP ou d’une partie de celui-ci n’est pas connu au jour du dépôt du dossier de demande de permis de construire, il appartient, sans exception possible, à l’autorité compétente de mentionner expressément, dans la décision d’octroi de l’autorisation demandée, l’obligation pour le pétitionnaire de demander et d’obtenir une autorisation complémentaire avant l’ouverture au public du bâtiment. Si une telle mention ne figure pas dans l’arrêté portant octroi du permis de construire sollicité, ce dernier encourt l’annulation de manière certaine.

Peu importe que le pétitionnaire ait exposé dans son dossier de demande de permis de construire avoir connaissance de l’obligation de solliciter une autorisation complémentaire. Cela n’a pas d’impact sur le caractère obligatoire de la mention précitée, au sein de l’arrêté portant octroi de l’autorisation d’urbanisme sollicitée.

« 9. Il résulte de ces dispositions que lorsque, comme en l’espèce, l’aménagement intérieur de locaux constitutifs d’un établissement recevant du public, qui nécessite une autorisation spécifique au titre de l’article L. 111-8 du code de la construction et de l’habitation, n’est pas connu lors du dépôt de la demande de permis de construire, l’autorité compétente, dont la décision ne saurait tenir lieu sur ce point de l’autorisation prévue par le code de la construction et de l’habitation, ne peut légalement délivrer le permis sans mentionner expressément l’obligation de demander et d’obtenir une autorisation complémentaire avant l’ouverture au public, et ce alors même que le contenu du dossier de demande de permis de construire témoignerait de la connaissance, par le pétitionnaire, de cette obligation. Par suite, et alors que la ville de Paris ne peut utilement se prévaloir du contenu de la demande de permis de construire pour soutenir que les juges du fond auraient dénaturé sur ce point les faits et les pièces du dossier, le tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant que le permis de construire litigieux était illégal au motif qu’il ne comportait pas, pour l’aménagement du local
commercial prévu au rez-de-chaussée de l’un des deux bâtiments, la mention exigée par l’article L. 425-3 du code de l’urbanisme. »
CE 23 mai 2018 Office public de l’habitat Paris Habitat, req. n° 405976

Dans l’affaire objet du présent commentaire, la commune et la SCCV pétitionnaire soutenaient que l’arrêté de permis de construire était régulier en dépit de l’absence de mention expresse de l’obligation de demander et d’obtenir une autorisation complémentaire au titre de l’article L. 122-3 du code de la construction et de l’habitation en ce qui concerne l’aménagement intérieur du bâtiment, avant l’ouverture au public de l’ERP concerné, dès lors que celui-ci visait les prescriptions émises par la commission départementale de sécurité et d’accessibilité. 

Toutefois, et comme l’avait d’ores et déjà jugé le Conseil d’Etat (CE 25 novembre 2020, req. n°430754) ou la Cour administrative d’appel de Lyon (CAA Lyon 18 avril 2023, req. n°21LY02999), le tribunal administratif de Lyon a rappelé que le simple renvoi à diverses prescriptions, et notamment à celles formulées par la commission départementale de sécurité et d’accessibilité n’était pas de nature à démontrer le respect des dispositions de l’article L. 425-3 du code de l’urbanisme et de l’article L.122-3 du code de la construction et de l’habitation. 

Le tribunal administratif de Lyon conclut, dans son jugement en date du 6 juin 2024 à la méconnaissance, par l’arrêté attaqué, des dispositions de l’article L. 425-3 du code de l’urbanisme, et annuler le permis de construire délivré à la SCCV. 

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